On parle beaucoup du Ready to : ready to grid, ready to service… l’interconnexion et l’interopérabilité sont devenues des notions clés...
Kevin Cardona : Le constat est simple : l’expérience de nos contemporains nécessite fluidité, vitesse et continuité dans les services utilisés. Les objets connectés, les médias avec un accès à des contenus personnalisés, la disponibilité permanente de documents de travail (Cloud et autres)... nous le rappellent
chaque jour. On est passé, en quelques années, de l’Internet of Things (IoT) à celui des services et aujourd’hui à l’Internet of Me. Le lieu de travail n’échappe pas à cette nouvelle donne et doit accueillir de manière flexible ou agnostique les expériences individuelles... et collectives, impulsées par l’entreprise elle-même.
Thomas Charvet : Cette multiplicité d’expériences va se traduire par la nécessité pour le bâtiment d’être un réceptacle. On va observer une présence de plus en plus grande de services dans les immeubles ou d’espaces qui ne relèvent pas a priori de l’entreprise, mais fusionneront les espaces-temps du travail et de la vie privée. Ces espaces seront tour à tour conviviaux, ludiques, studieux… selon les choix de l’utilisateur, mais toujours “prêts à servir”.
Plus que jamais la promotion acquiert une dimension prospective. Avoir un temps d’avance devient-il prépondérant pour remporter les marchés ?
T. C. : Ça l’a toujours été, mais l’innovation est effectivement devenue un levier puissant. Les investisseurs attendent du promoteur des idées originales et inédites. Dans un monde qui change rapidement, ils redoutent l’obsolescence et les coûts de réaménagement ou de vacance que cela peut engendrer. Le bâtiment doit rester attractif et compétitif.
C’est pour cela que la flexibilité est aussi importante. Le message que souhaite entendre l’investisseur c’est que quel que soit l’utilisateur, il pourra utiliser l’immeuble et ses services dans un niveau de détail, proche du sur-mesure.
“L’IMMEUBLE DE BUREAUX DU FUTUR, C’EST LE LIEU DE TRAVAIL QUI RÉPOND AU LIFESTYLE DE L’ENTREPRISE QUI L’OCCUPERA...” Kevin Cardona
K. C. : Est-ce que les utilisateurs voudront piloter leur environnement (lumière, confort, services, …) avec leur smartphone ou demain par la voix ? Où qu’ils soient ? Probablement pas tous. Mais nous devons être capables de leur livrer un bâtiment ready to service, moyennant des travaux à coûts maîtrisés et acceptables par la chaîne de valeur et des compétences de l’immobilier. Je pense très sincèrement qu’en proposant un immeuble de bureaux qui va permettre d’attirer, de recruter et de retenir des talents tout en favorisant la productivité de l’entreprise, nous faisons vibrer une corde bien plus importante auprès d’un décideur que le simple calcul comptable en kilowatts/heure consommés.
“QUEL QUE SOIT L’UTILISATEUR, IL POURRA UTILISER L’IMMEUBLE ET SES SERVICES DANS UN NIVEAU DE DÉTAIL PROCHE DU SUR-MESURE. ” Thomas Charvet
Il semblerait que l’on bouleverse les codes du bâtiment de bureaux…
T. C. : Et ce n’est pas qu’une image ! On peut prendre l’exemple de Google à Londres. Leur restaurant d’entreprise est à l’étage “noble”, le dernier avec grande terrasse et vue sur Londres… Là où dans la conception classique, trônaient les directions. Les escaliers, auparavant relégués en arrière-plan par les ascenseurs, ont été remis à l’avant, et l’on a transformé les parkings voitures en place de vélos. Le message est clair : on est dans une entreprise de la vigueur aussi bien intellectuelle que physique.
Le bâtiment lui-même cherche sa définition. Smart building, Cognitive Building, Building as a service : quel terme vous semble être le plus approprié ?
K. C. : J’aime pour ma part parler de responsive building ou d’immeuble communiquant, l’analogie avec les new techs est signifiante. Être responsive, c’est adapter un format à un usage. Prenez deux smartphones : deux coques sensiblement identiques, deux systèmes différents, un certain degré de compatibilité, mais avant tout un lifestyle. C’est tout le sujet ! L’immeuble de bureaux du futur, c’est le lieu de travail qui répond au lifestyle de l’entreprise qui l’occupera…
T. C. : Cette notion d’adaptation à l’ADN de l’entreprise, de lifestyle est importante, et peut s’étendre au-delà du bâtiment. Des sociétés comme Google à Londres vont rechercher une émulation par leur environnement : la proximité d’une université, d’un institut de recherche en médecine... dont le programme Google Health bénéficie. Idem pour des quartiers comme Shoreditch, aux frontières de la finance. On observe que toutes les Fin Techs de la City recherchent la proximité de ces quartiers plus “arty”, vibrants, qui répondent à
une qualité de vie recherchée par ces acteurs. C’est donc à nous promoteurs de voir les terrains susceptibles de pouvoir provoquer ce type de connexions : c’est un subtil équilibre entre les critères déterminants pour les investisseurs et les attentes des utilisateurs.
Peut-on dire que tous les acteurs immobiliers sont à un tournant dans leur façon d’envisager le bâtiment ?
T. C. : Aujourd’hui le mètre carré n’est plus la valeur de référence. Lorsqu’on vend un immeuble, on vend aussi une qualité de vie, une implantation dans des quartiers d’intérêt, une organisation possible... C’est-à-dire la possibilité pour un manager d’y insuffler la culture de l’entreprise.
K. C. : Poussé à un certain degré, c’est l’exemple des incubateurs de start-up : les entrepreneurs ne viennent pas pour les mètres carrés mais pour un ensemble de services adaptés à leurs besoins du quotidien et pour l’émulation ; quel meilleur endroit pour rencontrer son prochain investisseur ou son futur partenaire qu’un hub de start-up ? L’immeuble de demain ressemble à un écosystème où les gens travaillent, font la fête, échangent des business connections et se rencontrent par inadvertance. La fameuse sérendipité tant recherchée ! Vous voyez que le bureau de demain est finalement très proche de l’hôtel d’aujourd’hui…
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